Au parc Montsouris
(comme je vous l’ai dit)
j’aime le charme commun
le hêtre tortillard
qui affichent leur état-civil
en lettres blanches sur une petite pancarte.
Ils ne font pas de cachotteries.
Le ginkgo biloba quant à lui se pavane
et raconte à qui veut l’entendre
une histoire à dormir debout
Il fut paraît-il sauvé par les moines chinois
dans leurs monastères taoïstes
qui scrutèrent avec un soin délicat
son cas
lui-même assez délicat
C’est un arbre fossile (paraît-il)
datant de l’ère secondaire (paraît-il)
Il n’aurait pas dû parvenir jusqu’à nous
il n’aurait pas dû traverser le temps
il a trouvé la clé des temps
N’est-ce pas un grave manquement ?
D’avoir trouvé la clé des temps ?
Une violation des règles du bon goût ?
un sacrilège un délit une démesure
un manque consternant de sens des limites?
Bref, me voilà en train de croquer
sur mon carnet de papier blanc
une transgression gravissime.
Cet arbre que je dessine
avec son air innocent
jusqu’où m’entraînera-t-il ?
Ses branches de parvenu
débordent, c’était fatal,
des limites de la feuille
On ne verra pas la cime.
Elle a transpercé le temps.
comment ? Comment ?
Mais comment ont-ils fait
ces moines un peu sorciers ??
Transmission. Disparition.
Sauvetage et transgression.
Faut avoir bien du culot
pour oser être un ginkgo.
NB* Le ginkgo est considéré comme une forme panchronique (dite aussi, en termes plus communs, fossile vivant). C’est la plus ancienne famille d’arbres connue, puisqu’elle serait apparue il y a plus de 270 millions d’années. Elle existait déjà une quarantaine de millions d’années avant l’apparition des dinosaures.