Mercredi 2 novembre 2011
Venu à bout. Rendu un texte à Marianne pour son « Jude » (Jude de Jude de Jude de Jude !!) (aphorismes dans bouteille à l’amer, je l’aurais fait, et merde, comme je vous l’ai dit ça vaut mieux d’envoyer quelque chose et qu’on le refuse que de renâcler devant l’obstacle. – Mmww). J’ai eu du mal, il y avait aussi ce poème, « On dirait qu’il pleut », mais la fin n’allait pas, plus la grâce, laborieux. IL y avait aussi un autre – lequel, j’ai oublié – dans Petites méchancetés, ou bien dans Poèmes de métro, ça me revient, croquis – rien sur moi et mes états d’âme, juste des croquis de bus et de métro. Puis me reviennent ces Aphorismes, un peu coupés, redistribués – mieux accordés aux grincements de Jude, me semblait-il, que mes poèmes.
Ou peut-être moins dangereux ? La poésie est trop casse-gueule
(Pourquoi ??? Vas-y, bosse !! analyse ! Décris.)
(Et quand on lit Philippe Muray et ce qu’il balance de sanglant sur des gens qui essaient comme Bobin de faire ce qu’ils peuvent et pas mieux, brr… La méchanceté des gens de lettres !! sauvagerie, férocité – oui, Marianne, même toi … peur !! peur de ce monde! Les Grands ! Les autres, les pas vermisseaux, même pas larves, même pas moins que rien… des visqueux, de la glaire, du répugnable à expugner, puent.. trouve pas les termes.)
« JE SUIS VISQUEUSE. »
Donc, mes aphorismes, leur petit côté paradoxal… ah ah ! Prétention !!!
Et inquiétude de laisser voir le bout de la queue du loup, je veux dire de trahir ma folie dangereuse (les prunelles jaunes et luisantes du loup fou), avec cet aveu imprudent « Je suis d’un tel orgueil qu’essayer de me mettre en valeur me semble très humiliant. »
Jeudi 3 novembre
Un peu étonnée que ce soit la secrétaire du service de cardiologie qui fasse le diagnostic de coronographie.
Ce terme n’apparaît pas dans le dossier du Dr Gus adressé au Dr Dixie, Didie…. non, Dibie.
« Et pourquoi il vous envoie chez nous ?
– Aucune idée. Moi aussi ça m’a paru bizarre… Peut-être parce que j’ai rendez-vous chez vous prochainement pour une opération de la hanche ? »
En fait le Dr Gus m’a parlé de l’IMM bien avant que je n’évoque ce rendez vous.
« Vous habitez le quatorzième ? En bas du parc Montsouris… J’ai un tas de copains à l’IMM en cardiologie… Je vais les appeler.
(Il rayonne, il jubile rien qu’à l’idée de les appeler.)
Ce n’est qu’à ce moment que je lui dis ça tombe bien, justement, j’ai rendez-vous là-bas pour ma hanche.
« Avec le Dr de Th. ?
– Oui. »
Impression que le Dr Gus n’est pas ravi des Peupliers… « Le tapis d’ECG est en panne, personne ne l’a signalé… Très petit, cet endroit, ils ont cloisonné, j’étouffe.. – Vous avez quand même une fenêtre – Hmm. Je ne fais pas trop confiance au vélo… C’est quoi, ce médecin, un généraliste ? Il fait tout à l’envers… c’est n’importe quoi… ne vous a pas fait un ECG normal avant de prescrire l’ECG d’effort ? »
Ce matin, je prends mon courage à deux mains pour téléphoner à l’IMM (eh oui, il m’en faut toujours, de la courge, pour faire ces choses, demander que l’on s’occupe de moi, que l’on prenne soin de moi…), et pof, la secrétaire m’engueule, mais pourquoi je m’adresse ici !!? Mazette l’accueil ! Je hausse le ton, moi aussi, je peux me mettre en colère, pécore ! Moi je suis la patiente, je fais ce que le médecin m’a dit ! C’est pour une coronographie ? Mais qu’est-ce que vous voulez que j’en sache !! Il n’a pas prononcé le mot ! Et sa lettre est cachetée – Ouvrez !!
J’ouvre, je m’exécute, je lis la conclusion – et hop, deux jours d’hospitalisation, peut-être trois, entrée lundi 15 heures sortie mardi – quoi, c’est la secrétaire qui fait le diagnostic ? qui décide ? Et pourquoi pas un petit rendez-vous tranquille et exploratoire d’abord avec le Dr Didi, Dixie, non, Dibie ??
Une fois de plus, le monde me semble étrange.
À la réflexion : étrange, non, que la secrétaire me demande de décacheter la lettre confidentielle de médecin à médecin pour en prendre connaissance, elle ??
Mais surtout : et si la conclusion avait été : cette patiente n’en a plus, au mieux, que pour quinze jours à vivre ??
Phrase à sortir ce soir à Toto !
« J’ai de la vie à ne savoir qu’en faire. »
Mots râclés sur Wikipédia : angor, panique, anxiété…
Puisque c’est comme ça !
Oui, j’ai eu une panique, avant cet ECG place de l’abbé Hénocque.
Le petit bus, la Traverse, en bas de chez moi, n’arrivait pas… jamais pris… panonceau… passe à 14 h 16. En avance, comme toujours… sept minutes à attendre debout, dans le courant d’air… traverser, l’autre trottoir est au soleil.. Une femme. Quelle heure vous avez ? L’heure est passée. Rien à 14 h 16… Rien à 14 h 31. Panique, panique… coups de canne anglaise contre le trottoir de la rue Wurtz, je me déhanche pour aller prendre le 62. Arrêt Vergniaud… 13 minutes d’attente… C’en est trop… re-panique, affolement, désespoir, puisque c’est comme ça, je laisse tomber, tant pis, pas d’électocardiogramme… une autre fois… jamais.. perds les pédales… perds mon calme.. le cœur à 100 à l’heure ? Va savoir ?? évidemment, je vois la Traverse passer là-bas au feu rouge… une Traverse deux Traverses… trop tard… foutu. En retard. Insupportable d’être en retard… Plutôt mourir. Me jeter dans la Seine… me tuer… Ils vont m’engueuler et je vais hurler mais ce n’est pas ma faute, pourquoi c’est moi qui me fais engueuler quand c’est les autres qui sont en faute. Mais aucun son ne sortira de ma gorge…. c’est les bus, la ratp, les travaux, la mairie de paris… pourquoi est-ce que c’est moi qui me sens en faute quand les autres me font défaut ? Pourquoi j’endosse toujours ça ?
Enfin les arbres. La place ronde. Les peupliers qui n’en sont pas, mais qui sont des platanes.
Arrivée là bas on me donne un numéro d’appel. Plein de gens avant moi sur les bancs disposés en carré. De pauvres gens pour la plupart.
Allons, calme-toi. On en est au n° 117, tu as le n° 129… Tu as tout le temps. Tout le temps de te calmer.
Surgit à ma droite une blouse blanche. Appelle mon nom.
« Oui. »
Est-ce le cardiologue ? Un opérateur
Il ressemble à Claude Guéant.
Mine de rien, il me demande si j’attends depuis longtemps.
Sobrement, je réponds non, je suis arrivée en retard, un problème d’autobus.
J’aurais dû être plus précise. Lui décrire ma crise de panique.
Toute fraîche.
Panique fraîche.
Maintenant, me voilà soucieuse.
Cet examen, cette coronographie, cet iode dans les artères, c’est VRAIMENT sans danger ??
Et si jamais ce n’était pas indispensable ??
Et si mon électro avait été douteux pour cause de panique fraîche ???
Que faire, à part en parler à Toto ??
Faire provisions de bouche pour ma sortie…
Arrêter le Nescafé.
Acheter du bon thé ??
Ah ah !!
À Roxane :
« Sensible, l’autre jour – déjà un mois ! si j’en juge par les deux fois quatorze jours de gélules « inhibitrices de la pompe à protons » que je viens de me farcir – à ta proposition de venir me voir pour m’aider dans ma crise stomacale.
Où en es-tu ? Atelier, livre ? je t’imagine très occupée. Comme dab !!
Moi , très modestement, je viens d’envoyer une note de lecture sur Le Siècle des nuages, de Philippe Forest, à la Critique parisienne – deux pages et demie – et aussi deux ou trois pages d’aphorismes idiots à Marianne Alphant qui s’échine à composer un recueil « hommage à Jude Stéfan » avec les gens qu’elle a entraînés l’an dernier à Orbec pour fêter les 80 ans du poète. (Je n’ai pas de nouvelles, mon texte n’a rien à voir avec Jude Stéfan, c’est un hors sujet intégral, mais pour moi c’était mieux d’envoyer un petit quelque chose et de me le faire refuser que de caler et ne rien envoyer du tout.. . J’imagine que maintenant l’angoisse est dans le camp de Marianne !! plus dans le mien… mais chttt…).
Par ailleurs, l’aventure médicale continue. Un peu angoissante. Ou alors, inversement, c’est l’angoisse qui est cause de mes petites irrégularités cardiaques ? Toujours est-il.
L’électrocardiogramme n’est pas nickel paraît-il et, après un accueil de merde du secrétariat qui m’engueule, j’atterris lundi prochain à l’Institut Montsouris pour une « coronographie » – deux jours d’hospitalisation, décidés manu militari par la secrétaire, sans aucun contact direct avec le cardiologue du lieu auquel m’adresse un cardiologue numéro 1 qui m’a fait pédaler sur un vélo hier dans un autre hôpital avec plein d’électrodes sur la peau…
Le monde est bizarre, isn’t it ??
J’espère m’être sortie de tout ça pour la séance sur Proust à l’hôtel le Six. Y seras-tu ?
Je t’embrasse, donne de tes nouvelles
Lundi 7 novembre 2011
Comment aller à l’IMM ?
Le 21 puis le tram.
Rue Deutsch de la Meurthe Coup d’œil au passage Nansouty.
J’entre au parc, m’assieds. Dessine sans art le kiosque au toit rond sous mes yeux (signé Davioud ?? Je confonds tous ces noms d’artistes Napoléon III). Un jardinier ou cantonnier arrive avec sa soufflette à feuilles mortes. M’en envoie une au coin de l’œil. S’excuse.
JE me lève. C’est à peu près l’heure.
L’immense hall de l’IMM. La rotonde. Un homme, une femme. L’homme m’indique un très long couloir, au bout, allez aux consultations.
Je tire le numéro 329 ; m’assieds. Prends à témoin ma voisine.
« Faire la queue ! J’avais rendez-vous à quinze heures. »
Dans la guérite. Carte d’identité, carte verte. Interrogatoire et papiers.
« Bout du couloir à gauche. Ne vous trompez pas, à gauche, le cœur, à droite, les poumons.
-Très bien. J’ai rendez-vous pour une coronographie
– Quoi ? Qu’est-ce que vous faites ici !! »
La femme déchire le papier qu’elle vient de me tendre d’un geste rageur.
« Mais c’est une hospitalisation ! il faut aller aux admissions.
« Mais, le jeune homme à l’entrée, il m’a dit… »
Demi-tour toute.
Je balance au passage au jeune homme au visage long comme un jour sans pain : « Vous m’avez plantée ! »
Prochaine fois, s’il y a homme et femme, je demande à la femme !!
Encore tirer un numéro d’appel. Encore faire la queue.
Cinquième étage. Je ressasse mon histoire, que la secrétaire m’a inscrite pour une coronarographie, mais que j’ai un doute, à moi, le médecin n’a jamais dit ce nom.
« Je l’aurais retenu. »
« Ce ne sont pas les secrétaires qui..
– C’est souvent comme ça, dit un homme (infirmier, brancardier ??), les gens arrivent sans savoir pourquoi il sont là.
– Peut-être que le médecin qui m’a fait le test d’effort en a parlé au téléphone à votre cardiologue maison… Mais moi, il a oublié m’informer !!
– Ça doit être ça, dit la secrétaire d’étage, tout en m’entraînant au pas de course vers l’ascenseur.
« C’est complet en cardio, mais on vous a trouvé une chambre seule au deuxième… en thoracique. »
Draps jaunes. Immense baie vitrée.
Une terrasse, mais la baie ne donne pas accès à la terrasse.
« J ‘attends ici ?
– Oui. »
Ça y est. Je suis dans la chambre.
Le chirurgien fait un passage en coup de vent. Speed, mais charmant.
Mardi 8 novembre 2011.
M’y voici, en ce lieu.. Sous-sol.
« C’est en travaux. »
Moi aussi, je suis en travaux.
Personnage masqué, entouré de bandelettes.
« C’est vous ? »
Harnaché, calotté, lunettes rondes; Pourtant la même voix.
C’est le cardio d’hier.
Speedy Dibie.
« Vous voyez le rétrécissement sur l’écran ?
– J’ai oublié mes lunettes. »
Pas oublié. Pas voulu les prendre.
« Je pose un stent. C’est un ressort.
– Je sais ce que c’est. »
J’admire la manœuvre. Sans l’imaginer ni la voir.
Ils sont deux maintenant.
On dirait qu’ils jouent à un petit jeu électronique. Garer la petite voiture au bon endroit.
Vendredi 11 novembre
Nous sommes le 11 11 11
« La littérature – comme les amants – se venge de ceux qui ne prennent pas le risque de toucher les limites.» Zst-ce de Char ou de Rafael Schirbes ???
Je lis des blogs de médecins.
« Le « care » est donc à la fois soin, attention, dévouement, sollicitude ou disponibilité envers autrui. C’est un courant qui repose sur la vulnérabilité des vies réelles, contre les injonctions à la performance et à l’autonomie du libéralisme. » (docteurdu6)
Pour prépare l’atelier Poursuivre de lundi prochain chez Charlotte, je prends des notes manuscrites sur le livre d’Alain Ehrenberg, la Fatigue d’être soi. Je me sens concernée.
Dernière phrase notée :
« Avant la naissance de la psychiatrie, la mélancolie était considérée comme la maladie qui atteint l’être d’exception. La dépression est la manifestation de la démocratisation de l’idée que chacun peut être exceptionnel »
Je note : « La nature est reposante. Les petits oiseaux ne me demandent pas d’être exceptionnelle. »
Invitation à une expo de Lucie B. Le tableau reproduit sur le carton est magnifique.
Jean-Paul me renvoie pour info l’adresse de son site. Galerie de tableaux.
Somptueux, radieux, dynamique. Comme elle.
Généreux.
Ça me donne envie de « m’y mettre »
M’y mettre ??
M’y mettre.
(Mais à quoi ?
Au généreux. À l’expansion.
À la liberté)
Samedi 12 novembre 2011
Matin ensoleillé. Je feuillette les cartons à dessin, jette une ou deux feuilles, tente d’améliorer deux croquis de nu – je voudrais un « dessin très pur sur fond blanc » pour mettre au mur du salon ans le trou qui subsiste sur le pan entre les deux fenêtres – surtout, du clair. Du blanc. Du vide.
Pas la femme rouge, la mélancolie accroupie jambes croisées (Tiana).
Onze heures et quelque. Marché, queue chez Noé.
Chou-fleur, carottes, épinards, poireaux, échalotes, navets. Trois rougets.
Oui, ça compte.
Au moins, ces êtres-là, vivants, ne me demandent pas d’être exceptionnelle.
Roxane répond :
Pas répondu tout de suite à ton échange. Égocentrée sur un petit bout de texte.
Non, je ne connaissais pas Ehrenberg, même si curieusement son nom me dit quelque chose – mais quoi ?
Désolée si je ne partage pas grand chose avec toi sur cette « note de lecture » : les idées générales me semblent de plus en plus repoussantes.
Je me cantonne au singulier, nos façons à toi, à moi, à d’autres de se vouloir « performant » ( ? ) et d’être au fond incertaine, ou incertain…
Je t’embrasse. Porte-toi bien. À bientôt, r
Pas nouvelle, sa façon de me faire comprendre que rien de ce qui m’intéresse ne la branche.
Voix éraillée au téléphone. Mal huilée, métallique. Brinqueballe avec bruit de casseroles.
Ça ne chante pas dans sa vie en ce moment ?
Elle me dit : « Tu as l’air un peu surexcitée.
Moi : Ah ?
Elle : Je trouve
Moi : L’angoisse, peut-être. »
Arrêter le sel.
Peur de mourir. Aller voir ce cardiologue.
À l’hôpital, ils te disent rien – si ce n’est « c’est rien », et « tout va bien »
Seule l’infirmière de nuit, la gueularde qui m’engueule parce que je gueule laissez-moi dormir gueule : « Mais VOUS SAVEZ CE QUE C’EST ? UNE CORONAROGRAPHIE ?! VOUS SAVEZ ?!! »
Comment je saurais ? personne ne m’a vraiment dit.
Rien dit de sérieux à ce sujet.
Sinon Speedy à la sortie : les pastilles roses, prenez les tout de suite. Comme ça je suis sûr au moins que vous les aurez prises. ET puis, ensuite, ne les oubliez pas. Pendant un an ! »
Il a dit un an ou six mois ?
Vite prendre rendez-vous avec l’autre, le cardiologue de Vitry. Ça urge.
J’aurais jamais dû aller voir le blog du cardiologue qui a pour pseudo « Grange blanche ».
Qui dit que les deux médicaments prescrits sur l’ordonnance, plutôt contre-indiqués de les prendre ensemble.
Un peu l’histoire de la femme de Barbe Bleue. J’ai la clé d’Internet. Mais pas malin d’ouvrir les placards secrets.
EBM et choix du patient (no 3) : avec quelle information ?
Médecine. Volume 2, Numéro 1, 36-7, Janvier 2006, Concepts et outils
Auteur(s) : Sophie Taïeb, Philippe Vennin et Philippe Carpentier, Centre Oscar Lambret, Département d’imagerie, Lille
Résumé : La réflexion sur le rôle du patient dans la prise de décision médicale est récente et pose le problème d’un changement majeur de la pratique médicale. Ce changement repose sur deux éléments fondamentaux : l’information et la participation [1-4]. Ce troisième article est centré sur les conditions d’une bonne information du patient.
Mots-clés : EBM, information du patient, choix
« L’article 34 du Code de déontologie précise : « Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire, et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. »
« Au-delà des aspects légaux et moraux qui font maintenant de l’information éclairée une fin en soi, le but du médecin qui informe son patient n’est pas de dire la Vérité et toute la Vérité, mais d’assurer une information suffisante pour la discussion et la décision. L’information n’est que le moyen de permettre une participation active du patient à l’élaboration du plan de soins qui le concerne. »
Dimanche 13 novembre 2011
Avec Shérane et le soleil à la pointe du Vert-Galant, nous croquons la passerelle des Arts.
Pas si chaud que ça.
Ensuite chocolat chaud et douceurs vanillées place Dauphine, bistro la Rose.
Mon portable est resté à la mauvaise heure : Shérane me la règle à l’heure d’hiver.
« Prends-en plus, du fondant au chocolat.
– Pas envie de grossir
– Mmm et moi !
– Quelle famille !!
– C’était du côté de ta mère, ou de ton père.
– De ma mère. Maman n’était pas grosse mais elle se surveillait. Elle a beaucoup grossi à la soixantaine Puis après son infarctus, a rétréci, rétréci, rétréci, rapetissé..
En fait c’était sa sœur Solange qui était grande et forte. C’est à elle que je ressemble. »
« Tu dessines toujours ?
– Je dessine tout le temps !
– Pendant les cours ? … ça n’énerve pas les profs ?
– Ils s’en moquent.
Me montre son carnet. Belle émotion. Dessins de loups et d’ours faits en ma compagnie grande galerie de l’Évolution.
« Je me souviens », comme dirait l’autre.
Je me souviens que tu était petite, que tu t’es assise sur le sol en tailleur, et que je t’ai croquée.
Ta silhouette m’intéressait plus à croquer que celle du loup empaillé.
Je me souviens du squelette de baleine suspendu au plafond dans une pénombre théâtralement traversée d’un faisceau de lumière stridente.
IL y a combien d’années ?
Je me souviens si mal de toute cette pénombre. (ou : des années de pénombre)
Lundi 14 novembre 2011
Longues déambulations doigteuses sur clavier et écran pour voir comment me rendre à Vitry consulter le Dr Gus cardiologue de son état.
Voix off : « Tu as toujours été une madone des banlieues et des galères »
Jusqu’au cou blogs médicinaux… les blogs de médecins, il n’y a pas que Jaddo sur la Toile !
RV demain. La secrétaire est rieuse.
Rions rions !
« Angor stable ».
Même pas peur !
Juste la pétoche.
(Très contente de ma formule)
Toujours ça
Portable de Toto : sa voix mâle.
Grr.
Soleil. Sortir Aller photocopier le dossier de sortie de l’IMM chez l’électricien.
Charlotte Ch au téléphone.
« Vous allez bien ?
Très bien !! »
À tout à l’heure, Charlotte !
« Les grands travaux théologiques sont les cathédrales de la pensée. » (Théodore Monod)
Après la réunion. Quel bazar !
Charlotte donne d’emblée la parole à Hervé.
Jamais de tour de table, dans ces réunions ?
Ils aiment tous Comte-Sponville, ce raplapla – qui se réclame de Montaigne et Spinoza.
Je leur brame aux oreilles : « Spinoza a écrit nous sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels… Pas nous croyons et nous pensons, NOUS SENTONS ET NOUS EXPÉRIMENTONS !! »
Hervé marmonne entre ses dents que Spinoza c’est un philosophe juif ou que c’est un juif, l’air de dire que ça ne compte pas pour nous – j’en attrape le hoquet, réponds de travers. Pas sûre d’avoir très bien compris. Soupçonnant le pire
Moi : « Si je comprends bien vous avez tous un sacré problème avec la transcendance.
Et moi j’ai un sacré problème avec l’absence de transcendance. »
(je trouve un monde sans transcendance parfaitement plat)
(vous savez comme ces femmes que l’on dit plates comme des planches ?)
(ou comme des hommes sans saillie ??)
Je leur ai dit que je trouvais le texte de Comte-Sponville assez plat.
Plat était le mot juste : sans relief, sans montagne. Sans transcendance
« Louez Dieu dans les lieux très hauts ». Malraux
Le soir, coup de fil de Rémy, comment je vais ? (tiens tiens…)
Son bon sourire filial samedi m’ouvrant la porte à Montreuil, me surplombant du haut des trois marches de pierre et de son mètre quatre-vingt-cinq. Sourire plissé, plein de bonté, crémeux, à peine forcé, gouzi gouzi, comme à un bébé ?? Et moi la teigne persiflage intérieur, pas très naturel ce sourire lèvres pressées l’une sur l’autre, accent circonflexe à l’envers, petits plis des joues, fronces sous les yeux… sourire de bon fils comme il faut, grande perche au masque maternel ?? drôle de sourire jouant un rôle, sourire enrôlé, sourire-masque ?? Sourire embarrassé.
Dans ce « bon sourire » dont la jovialité cache le côté un peu apitoyé je ne peux m’empêcher de réentendre l’expression si condescendante de Gilles sur Mamée : « ma pauvre mère ».
« Ma pauvre mère » : une mineure. Une Has been. Une rayée des cadres.
Passée de mode, ringarde.
(Ah ah, et toi, Toto, ton sourire psychitrique !! ton bon sourire de bienveillance ! Bienvieillance pour la bonne vieille !! Superbe sourire de chattemitte sans chat dessous, exercice de chat du Chester ? Du Cheshire ?
Je reviens à Rémy. S’inquiète pour moi, c’est net.
Admire aussi en moi d’être le siège d’une magnifique prouesse technique, la pose de stent – comme dirait Shérane, une opération du cœur sans ouvrir, incroyable !
« Salvador a eu la même chose… il y a environ dix-sept ans…. ensuite il dit qu’il s’est senti bien plus en forme ».
Plus tard : « Doryan part demain pour Haïti comme urbaniste, dans le cadre d’une ONG, Architectes reconstructeurs.
« Oui, Shérane me l’a dit hier… Il est content ?
– Fou de joie »
La mer, mon cœur, quoi d’autre ? la vie ?
ce tumulte que rien n’explique
est-ce ma sœur énigmatique ?
Jeudi 17 novembre 2011
Repiqué de POÈMES RELATIFS, DP Mon Dieu, 2002-2003
« Je voudrais réentendre cette musique
quand le dieu et le diable
se disputaient mon âme »
« Finalement je ne suis pas morte
On m’a posé un stent
Un seul ?
Me fait penser à « combien de fois, mon fils »
« Ce jour-là, je devais aller à Levallois, déjeuner avec Rémy. Ce rendez-vous, c’était galère, déjeuner à Levallois, être à trois heures aux Peupliers.
Ensuite Rémy me demande des nouvelles de mon pédalage.
Je réponds : pas nickel.
Il m’invite à déjeuner le dimanche d’après, ça n’allait pas, je devais rendre pour le 2 novembre deux textes, celui pour la Critique parisienne, le siècles des nuages, celui pour pour Marianne.
Lui aussi au fond ça l’arrange, débordé de travail.
Donc finalement je suis à jour, je les ai rendus ces textes.
Pas de nouvelles de Marianne depuis, peu me chaut, je l’ai fait.
Ensuite un samedi chez eux. Rémy très impressionné par cette histoire de coronographie. Olga charmante.
Finalement, je suis très intelligente : la crise cardiaque, parfait pour régler les dissensions familiales.
Tout réglé.
Rémy a la frousse, impressionné aussi par la prouesse technique.
« C’est assez incroyable…
– C’est un cathéter dans l’artère…
– Quelle génération ! Rien ne vous étonne ! Rien ne vous émerveille !
Le récit chez le cardiologue, l’avenue Maximilien de Robespierre, le 138, les bombardements de Beyrouth.
– C’est les travaux du tram
– Ah bon? Dans tout Paris aussi, c’est défoncé… vous n’avez pas remarqué »… pas en un seul endroit… partout où je vais des tranchées..
À l’atelier, petite banlieue pavillonnaire, plutôt attendrissant, comme sur les photos de, je ne trouve plus le nom, vous voyez pas qui c’est ?.. ce photographe, qui a son musée à Arcueil…
– MMMMNon.
– Le VAL, vous connaissez ?
– MMMoui
– Même pas allée, pourtant c’était en face… »
« Le soir du cardiologue, deux sorties, oubliées, loupées… j’ai du mal à ressortir le soir…
– Normal de pas avoir envie de ressortir le soir, surtout en hiver.
– Vous me rassurez… Peur de devenir un vrai croûton.
Le bon sourire filial.. le bon sourire psychiatrique..
Quand je l’asticote il ne me dit jamais verbalement ce que ça lui fait. J’en suis réduite à interpréter des mimiques – des grommellements.
« Rien dit à Jeanne… comme si j’avais honte. »
Silence après le mot honte.
Je lève le visage. Le regarde. Perplexe, interrogative.
Face à moi : lui aussi me considère.
Pensée furtive : il doit se dire enfin un peu de silence ! Pas trop tôt ! Elle se tait !
Est-ce à ce moment que je lui sors l’ineptie agressive du sourire psychiatrique ?
« Je suis peut-être une teigne… »
Récit de l’atelier spiritualité.
« Il y aurait trop à dire.. Une autre fois. »
Il ouvre son PC sur le tableau à cases multicolores qu’il ne veut pas que je regarde, et dont je l’assure que, vu ma myopie, je ne distingue rien.
– Pas le vendredi, s’il vous plaît… j’ai dessin.
… Demain, parler à Gabriel, vous savez, le généraliste à la retraite.. lui demander des adresses de cardiologues… avoir un second avis sur la nécessité d’un anti-hypertenseur. Ensuite, le soir je vais à Brunoy garder les enfants…
– Vous avez repris une vie normale ?
Une existence normale ? Une activité normale ?
J’enrage de ne pas avoir enregistré le mot à mot.
« Si j’étais vous, je le prendrais. »
Là, c’est le mot à mot
Si j’étais vous !
Changement d’identité.
« Avant, je disais, y a des cardiaques dans la famille… Maintenant je dis : je suis cardiaque. »
« Je vous l’ai déjà sorti, ce mot de Spinoza : « Nous sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels » ?
– En tout cas je n’en ai pas le souvenir
– Nous sentons et nous expérimentons… pas : nous croyons et nous pensons.. je ne saisis pas forcément de quoi il est question, pourtant moi aussi à de certains moments j’en ai l’expérience…; je ne sais pas très bien quels sont ces moments… Mais je trouve que c’est une belle intuition. »
(Sans doute , entre autres, j’en ai l’expérience quand je lis cette phrase de Spinoza ?)
Vendredi 18 novembre 2011
Soleil à l’atelier de nu.
Gabriel a reçu mon mail.
« Un stent ? un seul ? »
Lui aussi !
A deux noms de cardiologues à me proposer dans le 14e.
Brunoy. J’arrive en avance.
Sur le seuil : Juliette se rue dans mes bras.
Dimanche 20 novembre 2011
Je lis le blog du Dr Coq. Fan de Michel Onfray… Non, reconnaissant.
« Et j’observe, dans ma patientèle de quartier populaire, comme de toutes petites gens ont su créer d’elles-mêmes de véritables œuvres d’art. Je suis sidéré par chaque histoire, dès qu’elle est sincère. Je vous promets comme je sais des vies magnifiques façonnées avec trois bouts de ficelle et deux morceaux de carton : cette simple constatation m’ouvre des espaces considérables. L’œuvre de soi n’est pas réservée à l’autre. »
Bon à savoir : « Nous savons que celui qui s’avachit à l’anxiolytique ou se gave de somnifères va fournir à court terme le gros bataillon des fracturés de hanches.
Question : suis-je hystériaque ? (je laisse)
« Pour s’assurer de son insatisfaction, l’hystérique cherche dans l’autre la puissance qui le soumet et l’impuissance qui l’attire et le déçoit » (Juan David Nasio)
Lundi 21 novembre 2011
Spinoza ou être tel cheval le mieux possible.
Spinoza ou être Marie-Noëlle le mieux possible.
Spinoza ou être ce que je suis vraiment.
Pas « devenir qui je suis ». Persévérer dans mon être. Me déployer dans mon être. Dans ce que je suis vraiment m’obstiner, y aller. M’y mettre.
Insister persister résister.
Et être est déjà là, de toute éternité. Or je suis un morceau, une émanation du divin Univers.
Je m’interroge sur la connaissance du troisième genre, sa joie et sa béatitude, et m’ébahis de bonheur de tous les blogs de philo sur Spinoza.
Je tombe sur un cours d’Alain.
« Agir conformément à la vertu, c’est donc agir conformément à la Raison ; c’est agir d’après les lois de sa nature propre ; c’est faire des actes dont on est la cause suffisante ou adéquate. La Raison ne peut donc nous conduire à autre chose qu’à comprendre, et c’est dans l’acte de comprendre que se réalise le mieux et le plus complètement notre effort pour persévérer dans l’être.é
Coup de fil de Gilles à propos de mon accident cardiaque. Je lui parle de son opération de la prostate, il était à Cochin, très bien opéré, pas cancéreux, mais très mauvais souvenir. Confort sordide. Une douche à l’étage et rien d’autre.
Mardi 22 novembre 2011
Retrouvé ceci, sur la femme de ménage de l’immeuble :
– elle doit se conformer aux tâches de nettoyage tous les jeudi 15h-17h
– il faut absolument ne plus rien faire à sa place (aspirateur dans l’ascenseur ou autre) à la moindre absence, ménage non fait, aspirateur non passé le signaler au syndic qui interviendra
Pensée annexe : qu’est-ce que la vraie vie, son tissu réel ? Quel écrivain autobiogras peut jamais rendre compte de ces infernaux perpétuels sautillements croc à l’âme entre poussières de recoins d’appartement, épluchages de carottes, chausse-pieds récalcitrant, draps à laver, pensées éblouissantes, éclaboussures d’intellection, cheminements urbains avides de scènes urbaines, ruelles, ciels, encontres, idéations, amours, moitiés, noblesses, amitiés, ignoblesses.
Tout dans le même panier.
Poussières d’appartement, poussières d’étoiles et poussées taurines de persévération dans son propre être.
On trie.
C’était cela peut-être le clairvoyant « vous êtes ignoble » de l’ami Gabriel Matzneff – non pas c’est vil ce que vous avez osé écrire de méchant ou sévère sur mon personnage de roman (pseudo-roman apparemment puisqu’il se fâche de l’analyse que je fais – naïvement je l’admets – de son héros comme s’il ne s’agissait pas de lui – mais la vie des femmes est plein d’ignominies.
Pas seulement les règles le sang, l’impureté.
Les petit soucis domestiques.
Petit, petit.
(Texte plat ai-je reproché à l’article de Comte-Sponville. Sans transcendance. C’est-à-dire sans grandeur.
Où est la grandeur ?)
Sur la transmission, ce texte que je n’ai pas écrit :
Quand en khâgne à Janson je vois Spire trépigner sur sa chaise et son œil luire alors qu’il parle de la connaissance du troisième genre selon Spinoza, je sais ce qui s’appelle savoir – par intuition du troisième genre – qu’il me communique là une vérité de première bourre.
Sur la joie.
Quelle joie ?
Celle d’aborder un rivage. Nouveau, intéressant, inédit ?
Toujours connu au fond mais pas identifié ?
« Ça me dit quelque chose. »
Il ne me communique pas quelque chose sur la joie. Il me communique sa joie.
À lui. Mon prof.
Sa joie d’avoir entendu parler de la connaissance du troisième genre.
Ça lui dit quelque chose.
Il y a dans son regard, en quelque sorte, la preuve de la béatitude de la chose dont il parle.
La transmission ?
Transmettre un objet, un chose, un contenu : juste avoir la prunelle qui brille en évoquant la chose – en en parlant à quelqu’un, pas uniquement en y pensant.
cela passe par le corps. Deux corps.
DE et moi : deux corps.
« Bonjour monsieur Contrejour ».
« Nous ne sommes pas faits pour mourir »
De la vie à ne savoir qu’en faire, ou de l’envie de vivre à ne savoir qu’en faire ??
Du « conatus » à ne savoir qu’en faire.
Et maintenant je me souviens de toutes les formules latines dont il émaillait son cours, verum index sui, deus sive natura, conatus, persévérer dans l’être.
Il employait souvent ces mots, qui lui étaient très naturels, aussi naturels me semble-t-il que mes mots crayon papier, stylo cahier, ou bien alors salé, nourriture – sinon, les aurais-je retenus ?
Ils se sont en tout cas inscrits dans ma mémoire.
Avec leurs belles sonorités.
L’immanence, c’est le comble du plat. Du raplapla de plat pays.
Alors, pourquoi pourquoi ce Spinoza ne me paraît pas plat ?
Parce qu’il est gonflé !
Au fond (!!!), l’immanence serait comparable à la peinture : tout sur un seul plan, dans le même plan.
Et, si possible, sans ombres ni modelés : des à-plat à la Matisse.
La statuaire serait plus marquée de transcendance – ou simplement phallique ?
Et pourquoi je suis intéressée par Spinoza le raplapla comme s’il parlait de transcendance ?
Par mal comprenette sans doute. Par à peu près d’ignorantin ignorantesque.
« Le vrai est sa propre marque »
15 h 30 parc Montsouris, banc où je suis assise : « Je crois qu’ils annoncent un changement de temps. Il y a une petite église derrière le prisunic. – Oui elle st toute blanche, avec un clocher pointu. – Je sais pas comment elle s’appelle. – Non, y a pas un grain de vent. – Alors, tu veux un petit café ? Tu veux pas faire le tour du parc Mais alors, on va rentrer tôt. Alors, ça t’embête ? »
Jeudi 24 novembre 2011
Il a l’air sérieux, peut-être soucieux Ou triste. Ou fatigué.
« Spire, je l’aimais beaucoup… comme professeur, pas comme homme… »
« Quand on touche quelque chose, quelque chose de vrai, on le sait… ça n’a pas besoin de démonstration..
Vous, ça vous arrive souvent, de toucher quelque chose ? Une vérité.
– Pas très. »
« Vous peignez, en ce moment ?
– Non… Un peu de collages.
– Vous écrivez ?
– Non, si, un peu. Des carnets. Envahis par des bribes et des fragments de cours ou de blogs sur Spinoza… IL y a des cours passionnants sur le net… Je ne sais pourquoi Spinoza fascine tant de monde… une immanence à ce point immanente… Dieu le monde le moi, tout ça c’est la nature et la Nature c’est Dieu… tout fait partie de Dieu… et puis la connaissance du troisième genre… Il y avait ces formules latines qui revenaient tout le temps dans sa bouche, c’était comme une basse continue… deus sive natura… verum index sui… le conatus…
Bon, peut-être qu’en fin de compte je trouverai que Spinoza c’est super-chiant, mais pour l’instant il m’intéresse, ce n’est peut-être pas vraiment le vrai Spinoza mais c’est le mon Spinoza.. Dans une conférence Winnicott parle de Freud, il faut bien que je revienne à Winnicott, pas vrai ? Bref il dit, je ne sais pas si c’est à propos de Freud ou d’un autre, peu importe, qu’il refait tout ce qui l’intéresse à sa sauce, il ne peut pas s’en empêcher…
Il me dit qu’un tensiomètre ne coûte pas très cher. Prendre la tension au-dessus du coude, pas au poignet.
« Normalement on prend toujours plusieurs fois la tenson, on ne tient pas compte de la première prise.
«Ah bon ? Il ne me l’a prise qu’une fois, avant-hier ».
Écroulée de rire.
« Faut vraiment que je change ! »
« En fait, je suis flottante, je vis au jour le jour… Je me demande, est-ce qu’il faut vu que le temps est beaucoup plus compté, que j’exploite chaque instant, rentabilise chaque heure, l’occupe avec intensité ?.. ou que je me permette de souffler…
– Souffler un peu, dit-il. Vous avez assez à faire en ce moment avec les échéances médicales…
Je lui dis que je me suis réinscrite à des cours de peinture chez Oliwier et j’évoque l’expo de Lucie, ses grands tableaux. « Si libres… rien que des couleurs.. en expansion… ça lui lui ressemble. »
Vendredi 25 novembre
Recherchant à quelle époque maman a fait son infarctus (quel âge avat-elle ? Le mien ??), je relis voyez-moi ça allez savoir pourquoi « 1980 10 Clara Crise de foie ».
« Bon, bon, vous dites toujours cela, mais qu’est-ce que ça veut dire en somme ? Moi je constate que dans la réalité l’un empêche toujours l’autre, je ne peux pas faire deux choses à la fois, vivre avec intensité mon analyse et vivre avec intensité ma vie, par exemple, je n’ai pas assez d’énergie pour les deux, et, en fin de compte, l’un n’empêche pas l’autre, c’est une formule toute faite.
Je ne l’emploie pas au sens passe-partout, mais au sens fort », me répond-il.
Admettons. J’ai du mal à y croire, que l’un… »
Il prononce le mot de rivalité.
« Bien sûr… »
« Vous êtes toujours en colère ? », me demande-t-il.
« Non, vraiment pas, dis-je d’un air las. Je n’éprouve plus aucune colère, elle s’est neutralisée. En ce lieu je n’éprouve d’ailleurs rapidement plus aucun sentiment, tout devient blanc. »
« Toutes mes vérités et mes mémoires sont dans votre bureau, dis-je à l’analyste, et vous ne me les avez pas rendues. C’est comme si vous me les aviez confisquées. »
Atelier de nu, le retour de Tiana. « Tu as maigri ?
– Oui, cinq ou six kilos d’un coup… je perds mes cheveux… Je suis inquiète.
Faut que j’aille voir un médecin.
Impossible de réussir à faire de cette magnifique fille au port d’infante un portrait qui se tienne. Je n’arrive pas à dessiner son regard.
Bonne conversation avec Maryvonne et la femme du Nord née en 1942 – Annie.
« Qu’est-ce que tu faisais das tes vies antérieures ? » me demande Annie.
(Moins guindé qu’à Poursuivre, où personne n’a manifesté la moindre curiosité à mon égard ni au sujet de mes vies antérieures !!. tellement drôle ce silence que c’en serait à noter le mot à mot – le « Qui êtes-vous » n’est pas de rigueur. Mais le tutoiement, oui.)
« Prenons garde que la vieillesse ne nous attache plus de rides à l’esprit qu’au visage. » Montaigne
Communauté de culture et d’époque.
Maryvonne était prof de lettres classiques, Annie a fait propé lettres avec latin.
Vague idée d’entraîner ces deux dames à la Critique parisienne.
Spinoza, traduit en lettres modernes : les passions tristes à éviter ce sont les choses emmerdantes qu’on subit.
Les passions joyeuses ce sont les choses amusantes-intéressantes-marrantes-qui mettent du baume au cœur.
Et de préférence qu’on choisit ou décide.
(Comme mon retour lundi rue Saint-Maur à l’atelier Oliwier.)
Pirouettes et cabrioles de l’esprit :
si comme le dit maître Eckhart Dieu se déprend de lui-même
c’est-à_dire se déprend d’être Dieu
si comme le dit Angelus Silesius se déprendre de l’idée de Dieu c’est ça la chose divine
se déprendre de l’image de
se dé-pendre de l’imaginaire
l’image de Dieu c’est forcément imaginaire
donc
bref
bief
si dieu se déprend d’être dieu
se déprend d’être dieu tel qu’on se l’imagine ou représente ou conçoit
se déprend de sa terrible transcendance
se déprend de sa belle surnature
se défait de sa somptuosité surnaturelle
c’est donc la super immanence où dieu est
et dieu est
tout plat
le dieu d’Eckhart est
le dieu d’Angelus Silesius est
dieu de dieu est super-spinoziste
aïe !!
La notion de Gelassenheit, autrement dit le « laisser-être », est au cœur de la pensée de Maître Eckart. C’est le laisser-être radical qui permet d’atteindre l’absolu du rien : ne rien vouloir pour soi, ne rien savoir pour soi, ne rien avoir pour soi, pas même un espace intérieur. Éprouver le « sans-pourquoi ». Alors seulement Dieu peut choisir d’investir ce Néant.
Angelus Silesius :
« Rien ne me semble haut : je suis la plus haute des choses
Car Dieu Lui-même, sans moi, ne compte pour rien à Ses yeux. »
(Le Voyageur chérubinique, trad. Maël Renouard , p.105, Rivages poche n°464)
oh Dieu, si je n’existais pas,
vous non plus n’existeriez pas
puisque moi, c’est vous,
avec ce besoin que vous avez de moi
Ne clame pas vers Dieu, en toi-même est la source.
« Personne ne peut entrer dans le fond de l’âme que Dieu seul » Eckhart.
Me fait penser au self selon Winnicott, le désir le plus urgent du sujet étant que personne n’y touche et ne vienne s’en mêler.
Personne, au fond, c’est un peu Dieu – personne d’autre que le Sans Nom – et l’inviolabilité du self, alias le fond de l’âme, coïnciderait avec le fond de Dieu (revoir le livre d’Adam Phillips, Winnicott ou la solitude – où l’ai-je mis ??)
Coup de fil à Jeanne. Je lui explique ce qui m’est arrivé.
« Tu t’étais rendu compte, que je soufflais en marchant ?
– Oui.
– Tout le monde s’en est rendu compte ! Et personne ne m’a rien dit ! Ayez des amis !!! »
Re-coup de sonde :
« 4 juin 1981
Je suis mal, mal, très mal. Je grossis. Je souffle en montant les escaliers. Il me semble que mon visage est bouffi, mes jambes gonflées, mes poumons tapissés de feu.
Hier soir en me regardant dans le grand miroir de la salle de yoga j’ai eu peur. Si lourde, si carrée. Presque pas de visage. »
Spinoza ; au fond c’est simple. C’est : ne pas chercher midi à quatorze heures.
Selon Eckhart, laisser être Dieu : lui foutre la paix
Cesser de l’importuner, comme dit si drôlement Alain de Pascal, ce type passe son temps à importuner Dieu.
Le Spinozisme, c’est : ne pas importuner Dieu.
Ne pas le déranger à tout bout de champ.
Ne pas sonner Dieu à tout bout de champ.