ON ME L’A DIT (2007)

Je suis donc née. On me l’a dit
mais moi y étais-je ou si peu ?
Ou bien dans l’ivresse j’y fus
si glorieuse époumonée
de cette irruption dans la brise
que je ne m’en suis pas remise
ou bien si peu ?
 
Puis j’ai grandi. On me l’a dit
que je disais non à deux ans
d’un air têtu l’œil très méchant
et que sous combats aériens
qui striaient écorchant le ciel du jardin
je préférais, cul sur ma chaise,
continuer à brouter mes fraises
que de courir à la tranchée
creusée dans le gras potager
de terre glaise
 
Pourquoi j’ai commencé ces vers
sur une enfance de naguère
où je ne me reconnais guère ?
J’y fus si peu. Noyée dans d’autres
suffoquant de leurs patenôtres
et réfugiée sur des genoux
de flanelle grise, au salon
où le piano me menaçait
de coups de règle sur les doigts
Allez donc aimer la musique
après cela !
 
À cheval sur ces deux genoux
je tapotais le grand journal
déployé entre mon visage
et celui de mon père dont
je ne voyais que le sommet
et ses deux doigts qui tortillaient
une mèche de cheveux noirs
lors, d’une belle pichenette
je frappais à la double page
en m’esclaffant, et ce jusqu’à
ce qu’il replie son Figaro
pour jouer avec moi, au galop,
au trot postillon, au papa
est-ce pas mieux que le piano ?
 
Hélas bientôt il se gendarme
et c’est fini.
Fini fini. J’ai trop grandi.
Sur ma prime enfance a séché
un buvard rongé d’amnésie
les mots écrits y sont demi
mangés d’acide, et replongée
dans la bruine de ce puits
cotonneux, ouaté, plus un bruit
ou bien si peu
 
Sur ma prime enfance je sèche
Sauf si je parle de mon frère
Qui me rendit si secondaire
à l’univers où je naquis
et dont toujours me désespère
ou bien si peu
le désaveu
 
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