Encore une fois la nuit de Pâques
Encore une fois la grande désillusion
Le pope est en pleine dépression
Et dans sa grande humilité m’envie
De ne plus trop y croire et de venir quand ça me chante
Pour y trouver encore un peu à boire
Car lui est accablé de devoirs
Il n’a plus une minute pour lui
Et sa maison est envahie. Son fils crie
Et sa fille, sournoise et tranquille,
Nourrit des pensées indociles.
On étouffait pendant la liturgie
L’oxygène était raréfié par les cierges
J’ai voulu sortir pour aller respirer
Mais je suis restée sur le pas de la porte
Qui du coup resta entrouverte.
De là, une de mes oreilles entendait :
« Christ est ressuscité des morts », et l’autre
était bercée par les bruits de la vie
– promeneurs, cafés, moteurs tranquilles,
automobiles, bruits de baisers – la ville.
Mais, du sein du sanctuaire, le prêtre estime
Que cette porte ouverte est un tapage inutile.
Cela le gêne, il ne s’entend plus prier.
À son fils il murmure : « Va refermer la porte. »
‑ « Tu n’es pas bien ? » me dit l’enfant. – « J’ai des vapeurs.
Je suis à moitié là et à moitié ailleurs
Je suis venue ici comme à un rendez-vous
Mais la résurrection m’a posé un lapin
et si je reste ainsi, coincée dans l’embrasure,
c’est que je n’ai pas trouvé de plus jolie posture
pour dire à Dieu l’hésitation qui me torture »