C’est très curieux. Ce Facundus
me plaît bien plus qu’il ne faudrait. Des Beatus
je crois que c’est mon préféré.
J’ai tant passé de temps à regarder
les coups de plume et de pinceau
de ces moines scribes, enlumineurs, étaient-ce
de grands savants, des érudits ? des barbouilleurs ou des génies
remplis d’enfance ? Équilibrant
la révérence avec l’irrévérence ?
Étaient-ils courts sur pattes ? Petits de taille ? Rondouillards ? Grands et blonds ?
Possédaient-ils la main magnétiseuse ? étaient-ils des sortes de mages
traversés d’ondes secrètes, peignant à leur image
des mains immenses au Jésus bénisseur, lui offrant
des paluches impressionnantes, disproportionnées au reste du corps
mais exprimant le déploiement d’un grand geste et d’un grand pouvoir
de dompter l’invisible ?
S’amusaient-ils un peu ou pas du tout
à peindre les dragons à sept têtes ?
Avaient-ils la tremblote ?
ET LA BÊTE ? LA BÉBÊTE ! est-ce qu’ils en avaient peur ?
Guerroyaient-ils militants et vengeurs
pour chasser les Mauresques et reprendre Tolède ?
Ou bien contemplatifs, lettrés, éduqués, supérieurs,
savouraient-ils l’envoûtement des couleurs
en venant les poser savamment
sur les écailles du monstre ? – Oui, je sais.
Je raisonne en contemporaine.
Je suis d’un autre monde. Pourtant je communie
au langage de ces vieux manuscrits. Ils me sautent à la gorge.
Et je les comprends presque
comme si je les avais faits.