Je suis à ma fenêtre et je rêvasse
en regardant pousser les plantes
Dans la cour gorge-de-pigeon,
Un chat tigré gris dodu rampe
Bougeant la queue, puis bondissant
Sur un compagnon noir et blanc.
Judo entrecoupé d’instants
d’hésitation et de suspens
Le jeu se rythme de saccades
Car, par moments, le chat se fige,
et d’un œil liquoreux contemple
le ciel bleu comme s’il était seul,
indifférent, lèche sa patte,
oublie l’autre chat. Parle aux astres.
Amnésique de tout à l’heure,
Il semble propulsé soudain
Dans un autre espace, abyssal,
où l’ici fleurit en ailleurs
Puis il reprend sans crier gare
Son jeu avec l’autre minou.
De l’autre animal la présence
Se troue-t-elle de stries d’absence ?
De pleins et de vides scandé,
Comme son dos, semble tigré,
L’état de conscience du chat.
Et la belle continuité
persévérante que dessine
entre son museau et sa queue
sa longue échine de serpent
n’est qu’un pointillé clignotant.
Moi aussi, parfois, je clignote
Et je passe du coq à l’âne
Mon fil quotidien s’empelote
S’emberlificote
Je saute à cloche-pied, je m’embrouille
Et seul un zeste de mémoire
Une habitude une insistance
Un engrenage une patience
Me relie à ma propre histoire.
Il fait encore frais ce matin.