Bizarre comme les hommes veulent tous m’appareiller.
J’achète un gros ordinateur moderne sous la pression de l’un,
Il m’offre pour Noël trois mois d’adsl
Un autre, ami très cher, n’a vraiment aucun temps à m’offrir,
que des instants volés, Sa vraie vie est ailleurs
et il vient m’installer des copies piratées de logiciels très chers.
Ce cadeau, est-ce pour me distraire ?
Est-ce pour m’occuper pendant la longue absence ?
C’est vrai, je le lui avais demandé
Mais non sans qu’il me l’eût tout d’abord proposé
Comme Eve à Adam proposa la pomme
Rouge et luisante, oh quel bel ersatz de présence.
Moi aussi, j’aime les machines
J’aime aussi les clochers dans la ville
Et les menhirs au coin du bois sacré.
Les hommes en auraient-ils assez des femmes préhistoriques ?
Ou bien ces belles machines ne sont-elles pas plutôt
Leur façon bien à eux de m’offrir
D’éblouissants succédanés de leur présence
Pour se garantir de mes exigences ?
Courriel, adsl, maili-mailo, logiciels arc-en-ciel :
Tu joueras avec moi désormais à distance !
Oh, ces écrans, ces yeux de verre, ces claviers tristes !
Bizarre comme les hommes veulent tous m’appareiller.
Ils viennent me greffer – comment dit-on, déjà ? – des prothèses ?
Peut-être me manque-t-il un petit quelque chose ?
Moi aussi, j’aime les machines
J’aime bien les voitures qui ronronnent,
Les petits avions qui s’envolent
Et j’aime aussi parfois monter dedans
En m’appuyant contre l’épaule d’un homme,
Oui, j’aime aussi parfois appareiller
(Fuir détaler sortir décamper déguerpir)
et goûter la saveur du monde, le prendre entre mes bras !
Ne pas rester dépareillée