Il y a que la bibliothèque ferme deux heures plus tôt à cause des grèves
Il y a que malgré moi je vis à l’heure universelle comme ça je n’ai pas l’impression que je suis en retard
Il y a que ce matin il y a du soleil dans la cuisine et que je ne sais qu’en faire
Il y a que je vais répondre une politesse à Raphaëlle qui m’envoie un courriel
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Il y a que je suis un peu trop fascinée par ce que les journaux appellent l’affaire Matzneff
et que je me rappelle que j’ai écrit en 1982 une critique de son roman qui commençait par : « comment se débrouiller pour scandaliser nos contemporains, qui en ont vu bien d’autres, ou sont devenus apathiques ? »
Il y a que j’étais persuadée qu’il frimait, que rien de ce qu’il écrivait n’était vrai
car à mes yeux si cela avait été vrai il l’aurait bien évidemment caché
Il y a que c’est fascinant quelqu’un qui vit sa vie sans la sentir,
l’éprouve si peu qu’il doit la coucher sur papier pour avoir l’impression de la vivre
mais surtout l’exhiber, la faire miroiter.
Il y a qu’il a dû être atrocement blessé que personne ne prenne ses écrits au mot.
Tout le monde a fait comme si de rien n’était.
Il y a qu’un ange passe et que quand un ange passe il y a peut-être eu une faiseuse d’ange qui est passée.
Il y a que peut-être quelqu’un lui aura refusé l’existence
Ce destin m’évoque des images tragiques, celle d’un avortement, d’une existence fantomatique
Il y a aussi que je comprends très bien qu’on écrive son journal
et que l’on ne se sente vivre que si on se réécrit
Cela m’est peut-être arrivé