Je suis une augmenteuse de monde (autant dire une sacrée menteuse)
pourtant je dis (parfois) la vérité
(la chose est compliquée quand on a la folie des grandeurs,
car la vérité n’est jamais plus grosse qu’une petite souris)
elle n’a qu’un très petit filet de voix
je m’efforce de parler juste
j’ai beaucoup de mal à être juste ce que je suis il faut que j’en rajoute
j’ai une paire de ciseaux dans la main alors je coupe, je coupe
je déclare à mon psy que j’ai de très bons ciseaux
et j’aime aussi les sécateurs
Je suis une fraîcheur matinale que le coup de seize heures envoie au tapis
je suis une fâcherie une friche une flambée
et ce matin sur le marché, j’ai acheté
un omble chevalier
c’est la première fois de ma vie
j’aime les premières fois – j’aime naître et puis rien d’autre
Je suis ce coup de reins flexible qui s’envoie lui-même au tapis
cette nonchalance royale couronnée de tous les excès
ce cumulus d’été où des retards s’abreuvent
en chantonnant sur l’air des jours qui passent
En regardant les jours s’effilocher je me sens exister. Je suis
une insuffisance des plus suffisante une modestie bombardée par l’urgence
De multiples voix me bousculent. Leurs sonorités feuillues m’assourdissent
s’enclenchent, se tissent, se nattent, se cherchent, tentent de se rencontrer
dans un grand dictionnaire
dont les mots sont déclarations
Je suis un violoncelle
je sens en moi la musique éternelle