PHILOSOPHE RUE D’ULM (2006)

Il entre majestueux vêtu de blanc
Par l’allée centrale à pas solennels
Et son estomac bombé le précède
La salle est comble. Il gravit l’estrade,
 
Tapote le micro, se raclote la gorge
Deux cents regards sur lui se dardent
Certains déclenchent leur magnétophone
D’autres ouvrent leur cahier. Docile instant
 
Ses cheveux blancs son large front romain
Son grand nez fort son pull éblouissant
Drapent son corps d’une sorte de toge
Qui diffuse une aura savamment étudiée
 
Chacun peut voir dans tout ce blanc planer
Une lumière issue de la pensée
Et remonter ressuscitée du Styx
L’exhortation perdue du marbre antique
 
La salle est un sous-sol, caverne théâtrale.
Nietzsche est l’éclairagiste, Platon le musicien
En outre ce penseur, hardi matérialiste,
Fait clignoter sur lui quelques signaux christiques
 
Car c’est un vieux symbole qu’une vêture blanche
Sa tunique d’été dans l’hiver parisien
son pantalon, son pull immaculés
Sont aussi éloquents que sur l’icône d’ocre
 
L’incandescence qui surprend
De Jésus le transfiguré
Irradié d’électricité
Chacun donc à sa vue tombe front contre terre
Disant : « Comme on est bien ici, ô Maître ! »
 
Un mercredi par mois, ce penseur de l’Histoire
pénètre ainsi comme une résurgence
agitée de défis dans mon envie d’apprendre
Quand je vais l’écouter, parfois il me réveille
Et parfois, assommée, je sommeille
 
Ou bien suis prise de quintes de toux rebelles.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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