C’est toujours la même chose. Il faut rentrer à la maison.
La vie est une machine à coudre les paupières.
Dans l’étui la fontaine anime en dandinant
Sa musique coffrée, au bras d’un éléphant.
Ce n’est pas que je n’existe pas. Mais je ne compte pas.
Sur le bout de mes doigts n’est pas inscrit le chiffre.
Je ne fais pas mes comptes. Je ne conte pas d’histoires
Pour me mettre en valeur, je cache mon visage
Et j’ai le plus grand mal à émerger, ovule,
Du cadre des miroirs où me clouent, complaisants,
Mes quarante-neuf frérots, qui tous gagnent leur vie
Et dans la société se débrouillent si bien
Qu’ils ont la nostalgie d’un visage du soir
Et je reste pour eux ce rêve de chair fraîche.
(Ainsi, dans les familles, mange-t-on ses sœurettes
afin de conserver une porte du voir
de l’autre côté de l’ombre, là où le cœur bat fort).
*
… Je ne suis pas contente. Je pleure dans mes paupières,
saucières à tout faire. Ou alors dans mes paumes
car c’est dans leur vélin, strié de taille-douce
que je fais mon carnet – pages trop corporelles
d’une âme primitive qui rature son corps.
À l’occasion enfin d’une faute de frappe,
Je comprends que cahier et chair, c’est, à l’epsilon près,
L’empreinte d’un visage sur un double volume
Emprunté aux scalpeurs. Faut-il donc, couper mes poignets
Pour publier enfin ce que j’écris sans cesse ?
Consentirai-je un jour à oublier ce cri
Qui me sert de lumière, d’aiguillon et d’orgasme ?
Myopie circonflexe. Un jour d’osier à coups de dents je crèverai le sein
Qui toujours fait écran à la splendeur des choses. Fumée des cigarettes.
Excisé, écrasé, mon nez, contre la vitre.
*
Je ne vois plus le reste du monde
J’ai cessé de chercher à comprendre
Toi, tu es là, et je deviens très bête
Ou intelligente, au contraire.
Contemplativement
Je pense à toi
Il pleut de la lumière
Quelque part sur la Terre
Entre deux corps perdus
Qui se sont retrouvés.
